temps de poses

Éffluves

UN CHAPELET D’EMOTIONS AU-DELA DE L’IMAGE…

Même si l’image porte en germe toute la palette des vibrations sensuelles de l’état de transe qui l’a fondée, elle n’en est que la rémanence. Cette condition fait qu’elle peut prétendre à devenir le filtre par lequel peuvent repasser les myriades de perceptions dont elle stimule la mémoire.
L’objet de ma recherche intitulée « Temps de poses », est de retrouver dans ce « passage obligé », réel moment de grâce, toutes les saveurs des prémices et les couleurs de la palette émotionnelle qui m’ont envahi durant le temps de prise de vue. Je tente d’en régénérer la confusion sensuelle pour en formaliser métaphoriquement l’essence dans une matière esthétique suffisamment évocatrice.

J’extrais tout un processus graphique du point focal de mémoire qu’est l’image primitive et j’attise les cendres des stigmates sensuels qui s’y sont réfugiés. Leurs traces, aux rubans profonds ou superficiels, m’entraînent vers leurs sources. Tel le « serpent de la tentation » face aux courbes turgescentes du fruit interdit, les sentiments jusqu’ici consumés de latence, s’exacerbent à nouveau. Toute empreinte devient prétexte à configurer un nouveau jeu graphique d’une autre jubilation, d’une autre possession, qui inonde de ses chimères passées l’ensemble de l’image.

Ainsi métaphorisé, tout ce qu’il y a d’érotisme basique et de maîtrise esthétique dans le cadrage initial, tout ce qu’elle renvoie d’obsessionnel, d’accidentel, de réfléchi,…, tend à s’effacer au profit d’un univers mutant qui en transcende l’écho. Le dualisme flagrant de cet élan poétique accentue l’anamorphose séquentielle du souvenir. Il engendre une « matière » éthérée qui féconde d’autres facultés narratives. Les flux de ce magma composite, traversé de souvenirs sélectifs, réoriente l’acte créatif. Entre chaos, irisations, évanescences, enchevêtrements, cristallisations, strates, filigranes, … se refonde la dramaturgie des fulgurances sensuelles. Un « a posteriori » où apparaît ce que l’oeil avait capté et/ou rejeté.

J’explore toute la singularité de ces moments de rêves pour en extraire les substances les plus poétiques. Même souvent dématérialisée, l’image, dans ses reliquats, enivre l’esprit. Cette dissection « primale » du monde sensible, permise par l’outil numérique et sûrement par lui seul, ouvre sur la vision du non visible, sur les silences des non-dits, sur l’omniscience du non conscient.

L’Etat français par l’intermédiaire du Centre des Monuments Nationaux a offert un lieu exceptionnel à Pascal di Péri. Le lieu qu’il a investi fait maintenant parti des centres d’intérêts importants du Château d’Angers. Voir ci-dessous le dossier complet.

L'œuvre : concepts et symboles

Prendre une photo, saisir une lumière, capturer un instant, …, dans le jeu de ces possessions virtuelles, il est une circonstance et une seule, qui sublime ce champ opératoire. C’est lorsqu’une femme s’offre à l’œil de mon appareil photo. Cette « offrande » aux pudeurs impudiques, aux « ébats » esthético-sensuels, font naître un trouble d’une jouissance plurielle. L’érotisme lattent ou déclaré qui s’installe, irradie d’ondes envoûtantes et rend la théâtralité de cet instant plus que singulière.
Mais, l’œil auquel elle s’abandonne, dans cette exhibition platonique, n’est qu’un des éléments qui déterminent toute l’alchimie de l’image. L’artiste, le créateur, ici également maître et voyeur, peut dévoiler, au-delà du cadre, des révélations qui vont interférer dans le jugement esthétique. L’inconscient va en partie se référer à ces effluves enchanteresses pour fonder l’arbitraire des choix plastiques effectués.
Et l’inspiration va capter, par objectif interposé, l’essence volatile de ces réminiscences. Dans cette relation faite de retenues, de gènes, de secrets préservés ou déflorés, de jeux de regards en délices…, tout est vibration émotionnelle. Là, le sujet transcende la relation basique modèle/ artiste. Il devient « muse ».
Sa danse immobile, voluptueuse, aux désirs qui affleurent ou s’imposent, impressionne la pupille d’un inconscient avec une intensité extrême. Dans le trouble qui envahit l’espace, se mêlent fébrilités et fascinations. Des tensions aux énergies bivalentes se conjuguent dans une porosité sensuelle : l’une aspire une part d’un « moi » dans l’irrationnel d’émotions aux fantasmes souverains (que tout être sexué porte en lui), l’autre, dirige dans une rigueur analytique, la mise en scène d’un espace à l’esthétique maîtrisée par un cadre d’exigence où la raison inspirée prédomine.

Les pensées créatives s’entrechoquent aux instincts sexuels dans un rapport graphique et charnel dont l’acte photographique se nourrit. Double jeu des plaisirs et des contraintes, croisements d’énergies sensuelles et de balises éthiques à l’ivresse magnifiée par une complicité qui tend vers l’absolu. Il ne peut y avoir d’innocence dans ce rapport au « corps accord » silencieux.
Chacun des deux partenaires de cette danse est un être engagé. Etrange complicité, asymétrique, complémentaire, qui ne peut exister que là. Comme un échange à la transe obscure et limpide, les deux acteurs de ce « psychodrame » suspendent ici leur quotidien. Ils entrent dans une dimension intemporelle à la sensibilité à fleur d’optique qui ouvre une parenthèse d’intimité unique.
Une fièvre les consume, dévorant les limites des conventions… Bouleversante rencontre, jubilante d’allers-retours sur soi, sur l’autre, sur l’art… Entre libertinage et poésie se cache la folle excitation du cliché envoûtant…

Pour autant, l’image qui résulte de ces « ébats », ne restitue qu’une parcelle de cette nébuleuse émotionnelle. Sa narration ne capte qu’un centième de seconde de la réalité voluptueuse qui l’a précédée. Son récit en devient presque univoque, voire laconique. Le déclenchement met un point final à la frénésie des « préliminaires ». Une jouissance trop brève…incomplète.

En effet, l’image qui naît de ce coït photographique ne brosse qu’un aperçu de ces instants. Elle en est une synthèse qui, parce qu’elle en montre trop, n’en révèle pas assez… Son cadre, dans sa finitude imposée, a resserré le plan de l’émotion, réduit le temps, contraint l’espace, épuré le champ de la sensibilité. Elle se veut la quintessence d’un continuum, mais n’est que la partie émergée d’un iceberg aux inconscients presque tous plongés dans l’inaccessible ou dans l’oubli.